À propos du village de Mésinges et du testament Betemps

Le petit village de Mésinges est situé au pied de la colline des Allinges en Haute-Savoie, au bord de la route Thonon-Annemasse. 
En 1481, lors du premier recensement connu, Mésinges comptait 16 feux, soit environ 80 habitants. 
Le territoire était un lieu favori pour la chasse, choisi par la cour de Savoie. Le gibier y était abondant : cerfs, sangliers et même des ours autour de Draillant. 

Il est notoire que ce village a un grand bienfaiteur : François Marie Adolphe Betemps. Ce riche propriétaire, ingénieur géographe, républicain aux idées progressistes, est décédé à Mésinges le 11 avril 1888, léguant l'ensemble de ses biens aux habitants. 

Autrefois bien distincts, Allinges et Mésinges sont aujourd'hui une seule et même commune d'environ 5000 habitants, dont l'union a été confirmée par l'administration française post-révolutionnaire. Mésinges comptait à l'époque moins de 200 habitants. Depuis lors, les deux villages partagent une étrange mésentente, toujours perceptible. Un dicton raconte même que "le seul défaut de Mésinges, c'est Allinges". 
C'est sans doute aussi cela qui a contribué à cet important héritage, Bétemps voulant faciliter la séparation avec ses legs, afin de constituer un patrimoine propre à la commune (en consacrant par exemple un bâtiment à une future mairie) et offrir une autonomie. 

On estime aujourd'hui le nombre d'habitants du hameau entre 1200 et 1500.

Les Allobroges

L'hymne de la Savoie s'appelle "Le chant des Allobroges" et a été écrit par Joseph Dessaix, né sur la commune d'Allinges en 1817. Il s'agit du neveu du général Joseph Marie Dessaix de l’armée de Napoléon, emprisonné à Fenestrelle en 1816, que Betemps admirait et pour qui il voulait voir érigé une statue. Annoncé en 1887 comme prévu pour 1892, le monument ne sera finalement inaugurée qu'en 1910 à Thonon
Le village de Mésinges

La vie de Bétemps dans une région en pleine mutation

François-Adolphe Bétemps nait à Évian le 24 mai 1813, à une époque connue sous le nom de "Restauration sarde".
Napoléon a perdu la campagne de Russie l'année précédente et cet événement a redessiné entièrement la carte de l'Europe, impactant notamment la Savoie française, prise par les révolutionnaires en 1792, qui est rendue au Duché de Savoie lorsque Bonaparte abdique en 1814. Le Département du Léman, créé peu après la Révolution, disparaît définitivement à la suite des Cent-Jours, qui se soldent par la défaite de Waterloo en 1815. Les traités de Paris qui suivirent ces épisodes historiques modifient les frontières et annexent différents territoires au Royaume de Piémont-Sardaigne pour constituer un "Etat tampon", capable de s'opposer à la France. 

Le 19 mai 1815, la République de Genève, qui était le chef-lieu du département, rejoint la Confédération. Mais pour les habitants du Chablais, c'est le retour à la souveraineté monarchique sous Victor-Emmanuel de Savoie, roi de Sardaigne, prince du Piémont et duc de Savoie.

À peine sorti de l'École polytechnique, Bétemps prend service sous les ordres du Général Dufour et était appliqué à l'établissement de la carte de l'Etat major fédéral. C'est à ce moment que l'Éviannais décide d'abandonner son pays de naissance et préfère devenir citoyen helvétique. 
La Suisse avait en effet déjà un statut international : le Congrès de Vienne et le Traité de Paris de 1815 garantissaient la neutralité et l’inviolabilité du territoire helvétique.
Bétemps vit alors absolument séparé des membres de sa famille. 

Ce n'est que lorsque son âge l'oblige à quitter ses fonctions qu'il vint s'installer à Mésinges, dans une propriété provenant de son père, la campagne de Mésinges appartenant alors en indivision aux frères Jules et Adolphe Bétemps. 
Depuis son départ, le territoire est redevenu français suite à l'unification italienne initiée par le comte de Cavour : en échange de l'aide des troupes de Napoléon III contre les autrichiens, il est convenu de céder la Savoie et Nice à la France, ce qui est entériné par le traité de Turin en mars 1860, suivi d'un referendum le mois suivant (malgré quelques pétitions en faveur d'un rattachement à la Confédération helvétique).  

Bétemps était un personnage parfois mystérieux, souvent ambivalent. Qualifié à quelques occasions de misogyne, il prenait pourtant des positions résolument avant-gardistes, y compris à l'égard des femmes, dont la place était très difficile. La lecture de ses écrits démontre à quel point cet homme original et généreux était profondément humaniste, entretenant même quelques idées communistes de collectivisation précurseuses, que l'on pourrait rapprocher de son contemporain Karl Marx. Sans doute souhaitait-il donner, à l'échelle de son village, un exemple d'altruisme et d'égalité dans une vie en communauté.

Il a indéniablement oeuvré pour Mésinges, tout en ayant à cœur d’aider les familles pauvres en leur léguant des biens matériels mais aussi une sorte de "caisse commune" afin de leur assurer réparations et autres besoins, tout en leur offrant quelques "privilèges" comme du beurre gratuit chaque dimanche, par exemple. C'est lui aussi qui prenait à sa charge des travaux d'utilité publique dans le village, tels qu'un réservoir en cas d'incendie, un pont sur le Redon ou encore un reposoir au nouveau cimetière.

Sans qu'il soit pour autant prouvé qu'il ait été antireligieux, Bétemps avait une âpre opinion du culte. Peut-être était-il antithéiste ou simplement marqué par la guerre entre le Protestantisme en Suisse et le Catholicisme en France, mais il semble surtout qu'il refusait les différences de traitement. Il ne manquait pas de dénoncer dans ses écrits le profit égoïste de l'individu moderne. 

N'ayant aucune descendance et sa sœur Julie étant décédée, Bétemps lègue à sa mort en 1888, à la veille de ses 75 ans, l'ensemble de ses biens à sa communauté : des bâtiments (fruitière, bar, école) et des terrains (cimetière, vignes, etc), qui deviennent ainsi des biens inaliénables des habitants nés dans le village. Son testament a été, à l'époque, distribué à toutes les familles du village et affiché publiquement. 

Son héritage reste très présent et tu vas le découvrir au fil de ce jeu !
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